lundi 30 octobre 2017

301017


il y a quelques mois ma mère est morte.
elle est désormais prétexte à paroles. son cadavre
je ne le recouvre pas de fleurs mais de mots
quelquefois.
elle était âgée & me laisse vieille – étonnamment.
en janvier : conséquence de conséquence de conséquence
un coup de froid a basculé son temps de l'autre côté de quoi –
je ne sais pas. l'univers est vaste. elle a fini comme elle a vécu
comme chacun : minuscule. je suppose qu'une place minuscule
se trouve pour l'autre côté de quoi – je ne sais pas
dans le vaste univers.
un après-midi ma mère est morte. juste après je suis arrivée :
je l'ai vue : creuse & muette. je l'ai embrassée. sa peau était chaude
pleine de fièvre. vie signant la fin des vies. la chaleur l'a quittée
en un retour de larmes. très vite. elle était sans fièvre
& froide
& absente
j'ai laissé glisser l'ancienne peau du serpent
sur les carreaux propres de l'endroit me suis trouvée
perdue incapable d'acte de recherche mais cette chaleur – je me suis dit –
cette chaleur où s'en est-elle allée ?
ces mots sont de novembre & de presque hiver. le froid du sud
n'est pas encore tout à fait froid & le cœur s'ouvre en grandes
saisons de tempêtes. le poème ne connaît pas le bonheur & rien ici n'est limpide
mais je couvre mes morts de mots le chemin se poursuit
la rose quelque part refleurit la pierre.



4 commentaires:

  1. Of Life to own -
    From Life to draw-
    But never touch the Reservoir-

    Avoir part à la Vie -
    Puiser dans la Vie -
    Mais ne jamais toucher au Réservoir -

    Emily Dickinson, "Quatrains et autres poèmes brefs".
    (trad. Claire Malroux)

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  2. C'est magnifique. Merci Jean-Jacques.

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  3. Ma mères sortie de sa nuit il y a quelques semaines. Votre texte me touche beaucoup..je couvre moi aussi ce mort de mots, mais moins talentueusement que vous.

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  4. Bonjour Cléanthe. Couvrons-les et couvrons-nous de mots, couvrons-nous d'eux et que vivent nos vies. Merci.

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