samedi 27 août 2016

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ainsi redécouvrant à la fin de l'été
le plaisir de goûter au mot
pruine
pas moins inspiré qu'un autre
redécouvrant Williams
la petite vieille & toute l’œuvre
jaillie à chaque battement des saisons
apostrophée au même instant par les nuages chargés de lumière – à cette heure que tu aimes
monamour
le temps de dire cela :
la petite vieille dans la rue
a ouvert le sac en papier
& croquée la première prune
un peu de jus coule sur son menton
& sur sa blouse – la rue est un verger –
elle n'a plus d'âge elle qui petite vieille
éclot sur la page plus jamais blanche de W –
traversante & fragile
maculée éternelle de sucre écrit

jeudi 25 août 2016

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& secouer sa tête pleine de morts
se repaître d'anciennes chairs

il me faut quelque chose de plomb pour tenir
pour continuer debout il me faut pieds collés
& crâne captif que sur ma peau s'éploie
la clarté pointilliste de sémaphores veufs

satané vertige ! lutter contre le vide encerclé de vent
lutter contre les larges voies uniques contre la contrainte
qui vrille chaque tesson épelant l'Homme

causer
causer encore
tellement causer mais pourquoi 
toujours ouvrir sa bouche au nom de
au nom de quel mensonge vrai élever
ceux qui suivent & en nous ce qui suit
tellement de bouches qui disent
encore&tout
pourquoi faire que se battre

j'ai toujours eu cette peur : tomber. un vertige contre lequel
dans lequel je le sais il n'y a d'autre perspective que de disparaître
pour que la peur se transforme en l'objet qu'elle redoute
& me voici tombant chute perpétuelle me désagrégeant contre le vide
en miettes&miettes devenant lui. oui mais toujours le cœur défaille
à l'instant de traverser le pont ou lorsque doit être franchie
la brèche & sur parole je dois croire l'autre qui me dit parvenu au sommet
avant-garde de précipice : il n'y a rien de plus beau que ce qui
vient après

on construit à tout-va la cité –
une fois survie tassée précaire on parle en agitant les mains
chaque cri défie la faille
faille effrayante fidèle faille faisant
le lit des terreurs ou des merveilles

ce sont des gens simples qui pleuvent sur cette terre
au détour d'une grande migration. ils tombent.
le vent a peur de leur vertige. ce sont des gens simples
vous moi eux gens qui meurent. la souffrance s'évapore comme
de la vapeur d'eau ou se pétrifie en gros blocs de glace. le climat change.
toujours ce vent & ce vertige. & chaque parcelle marquée de corps.
la voix de l'autre au sommet : rien de plus beau que ce qui vient ensuite.

en bas s'amenuise


lundi 22 août 2016

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n'écrire que pour rien
ou alors s'il faut écrire pour quelque chose
écrire pour la beauté supposée du monde.
écrire sans espoir de preuve
parce qu'un voile autrefois dévora l'espace & que
que toute part terrestre fut également touchée. évidemment
le vœu s'arrache. évidemment le vœu s'obstine :
se laisser pénétrer de courants sensuels & cosmiques
flotter sans flotter errer sans perdre
& parce qu'on n'est pas foncièrement seul
signifier chaque quark (o Joyce) le coincer dans la langue –
cracher en observant les formes osées des vies
puis – voilà : ne plus rien retenir –
que tout coule : musique&corps
flux ruisselant jusque dans la colonne respiratoire d'un mauvais poème qui
n'aurait d'autre projet que de se dire lui-même.

jeudi 18 août 2016

180816


le cryptomère & sa silhouette d'adolescent éternel
avec Sôseki au-dessus. c'est lui qui m'a appris l'arbre
dans un haïku qui finit par pousser étrangement
ici près du banc où posés mon fils & moi
causons un peu plus que d'habitude.
je vacille.
la hache rompt quelque chose de moins lointain qu'une forêt
mais l'entaille cette fois est heureuse : elle se creuse d'amour.
le haïku révélait aussi au monde certaines couleurs :
des épaisseurs de verts ou bien des épaisseurs de roux.
je ne sais plus.
nous parlons – chargées de ciel
les branches s'allègent : elles semblent danser
malgré l'instant saisi & immobile.
le rêve s'échappe. le haïku se perd.
17 bientôt renés
pour caser la perpétuité des saisons.

mercredi 17 août 2016

170816


c'est une arène brûlante avec en sa périphérie
un jeune noyer qui jette son ombre froide. il porte peu de fruits.
dessous on boit l'huile fraîchement pressée du siècle.

je n'irai pas n'importe où je n'ôterai de ma peau aucun
drame du monde je ne détruirai rien
les cycles s'allongeront
il y aura des tuyaux & des limbes
beaucoup de sons que je ne comprendrai pas
dans la terre des graines noires s'élaboreront en massacre
qui feront des vivants le même peuple hagard & muet
& qui signifieront aux bêtes le décret des soumissions

c'est un chaos transpercé par la voix folle du passeur.
aux amas des temps confus s'ajoute le cri clair du don.
il arrive qu'il arrache au presque-à-jamais mort
une poussière indocile.

lundi 15 août 2016

150816


ce qui me traverse
le plongeon me traverse
les îles irréelles toujours plus éloignées
toujours plus à venir

de longues phrases
me traversent qui plongent dans l'irréalité du monde constant
d'amples mouvements de corps
d'amples mouvements de mots
me traversent me pénètrent me laissent animale & exsangue
guerrière
ennemis
armes
invisibles
gorge blanche

& toi qui me traverses & la beauté de tes aubes
& les chutes de l'enfance qui écorchent les chairs fragiles à jamais
& l'abandon farouche que l'univers invente quand entre tes bras
nous traversés de nous 
 

samedi 13 août 2016

130816


je ne sais pas ce qui est poésie & ce qui ne l'est pas.
je sais que parfois la langue désire & se tord comme quand,
ignorant corseté dans une cage de fer, tête un peu plus libre que le reste,
on tord son cou, muscles tendons chairs forcées, volonté vrillée vers
quelque chose, masse du dos & du ventre, pareil,
pour apercevoir, quoi ?
cela juste derrière, derrière soi, apercevoir ce qui nous englobe
à quoi l'on appartient, insaisissable&invisible, présence, signe, parfum, fantôme.
on peut bien dire ceci est de la poésie & ceci n'en est pas
parfois la langue se tord, arrogante espérante
& parfois elle bande l'arc de toute sa tendresse
& parfois elle maudit, épaisse, sèche, redoutable, flèche, épine
maudit contre maudit avec maudit soi maudit l'autre
cela, terre à aimer, terre à toucher, terre à atteindre,
terre terre. 
 

vendredi 12 août 2016

120816


remises à jamais
les enfances
qui angélisent le monde –
dans toutes les filantes
je puise un vœu & ce matin
sentant dans ces parfums d'été
l'âme du miracle
je tombai sur ce qui sans être encore perdu
était déjà retrouvé – voilà criai-je
c'est la preuve ! qu'aussitôt j'oubliai
puisque ne croyant rien je croyais à tout
donc à l'oblitération des faits
aux innocences désarticulées qui poussent dru dans le fer des étoiles
& l'ai-je dit plus tôt ? aux miracles – bien sûr
à chaque lettre infuse du miracle 
 

lundi 8 août 2016

080816


dans la dérobade de l'instant
corps pleins
traversés d'étoiles fluides
l'océan ruisselant sur les peaux
ils rient les garçons & gonflent leurs torses
bruns jusqu'à l'escale blanche du sourire –
des vies & des vies simples par monts&vaux de mondes
pas plus complexes qu'avant –
tous nous autour
à suivre depuis l'île les plongeons cathartiques
tous nous terriens&secs augmentés
d'une ombre pasolinienne
& d'un plus tard à jamais jamais jamais
juchés sur des épaules de cendres
 

vendredi 5 août 2016

050816


l'hirondelle s'est posée :
le monde s'ouvre. dans les replis de la colline
la naissance d'une nouvelle fleur – des mots simples
pour franchir le seuil – dans la pièce
des mots complexes qui avec ardeur embrassent les mots simples
– terres neuves – délinéation de jeunes géants.
à chaque pas l'enfance & le terme
le verbe & son armée de démons qui plonge dans Léthé
sans jamais se départir de ses vieilles absences.
pour moi hors des chairs peu de passé
du rêve sur la vague – des grandes idées de vent –
la tendresse en forme de gouffre – le corps pétrifié – les sens en guerre contre
le reste des mondes.
lentement les guerres se taisent – ose-t-on chanter cela ? –
ici il suffit de hausser son regard
pour être bouleversé de bleu.
dans le désordre des étoiles & le calme ocre des terres
voilà le monstre défait. le labyrinthe devient une ombre
sous laquelle jouent les oiseaux ils s'y ébrouent plumes en bataille
au sol un instant & quand la corne de cris opaques veut transpercer les mémoires
ils s'égaillent envol d'innocents bruissements lustraux des petites formes.