vendredi 30 octobre 2015

301015


matière d'Homme – mots & bêtes
à travers les branches courbées du saule
silhouettes de haineux issus de la glèbe comme
tout le monde – haineux comme tout le monde
haineux comme tout – vermille la langue

plonge dans la glèbe d'où vient
l'organe qui tenta de saisir bien&mal
y trouve labyrinthes lombrics
pas de réponse & la langue lourde
au cœur une tristesse qui s'enfouit

dessous l'aile nomade d'un amant. elle
vole & tombe
quelque espace plus loin –
existe-il l'instant où l'on était heureux
& le passé dans ma langue existe-t-il un jour ? 

jeudi 29 octobre 2015

291015


le truc est que la langue s'échappe toujours hors de la langue
que l'humain est humain quelle que soit la matière des mots
que ce matin le désespoir a fui devant la beauté des montagnes
& que le sanglier qu'on soupçonnait vermiller pas très loin du poème
on l'a vu enfin – enfin on est heureux 


mardi 27 octobre 2015

271015


un globe
dans le globe peu de couleurs
des nuances très pâles
pâles de plus en plus
un liseré parme entourant ci ou là
quelques impacts qui ruinent
l'illusion des blancheurs –
suspendue – c'est d'un banal mais
ici vrai chaque seconde est suspendue –
au souffle aux machines aux sonneries électriques
aux bruits sourds des conversations d'autres aux postes
de TV à sa respiration :
visage aspiré vers le centre d'une pièce inaccessible
visage expiré toujours collé dedans – masque&masque
gants&blouses – les odeurs
dans le globe il neige des odeurs qui frappent la lumière
pâle les nuances pâles le linge les mains blanches&bleues
le visage collé dedans ce qui est là & n'est déjà plus
la suspension du temps le calme les arbres dehors
qui se teintent d'une vie silencieuse – enfin des mots
il faut t'y faire – qui étirent fragilement
la peau collée sur les pommettes 

lundi 26 octobre 2015

261015


le cœur noir des bouleaux
déchire la lumière
le peu de lumière qui bataille encore ici – seulseule
dans cette nature il n'y a que des mots vides
l'autre est loin & n'a plus d'ouïe
la pierre jetée depuis la margelle
n'en finit pas de choir
avec elle les oiseaux les illusions
jusqu'aux amertumes qui s'évaporent
dans le tombeau de leur propre chute

samedi 24 octobre 2015

241015


dans la fibre molle du jour
aucun nom ne se dessine
quand je mourrai je ne serai pas comme lui
personne ne viendra ramasser les restes de mon souffle
ce sera comme si rien n'avait existé la mémoire tombera
au fond d'une fosse commune & ce n'est pas joyeux de dire cela
mais depuis le début on le sait : les pierres ne nomment pas les pierres
& le chaos demeure chaos dans le plus froid des silences –
la parole est un oiseau de passage.
il faudrait pour bien faire
modeler une cosmogonie
la peupler d'éléments & de bêtes de liens de chutes
finir par des hommes des femmes des créatures
complexes amalgamant imaginaire & biologie
mais ce corps est rongé par le doute
c'est pourquoi aucun nom sur lui ne tient
aucun dieu n'y trouve sa pitance
aucun amour n'a de quoi passer l'hiver 

vendredi 23 octobre 2015

231015


le corps héroïque
le corps survivant déformé exigu excessif rétif à toute occupation
debout héroïque
pensant contre
héroïque parlant & prolongé de signes
débordant le sexe lui-même débordant
infirme qui rampe vers chaque espèce de tanière
misérable rien
le corps héroïque & néant
femme moignon & homme liège
qui sans relâche vont&viennent peuplent l'espace clair
qui sans relâche vont&viennent peuplent l'espace sombre 

jeudi 22 octobre 2015

221015


tout est de guerre & rien                            les mots s'amoncellent
comme des nuages
mais l'orage s'effondre en silence               sous le ciel trop
de feuilles & de bruits
alors peuple d'errants étranglé dans sa terre
peuple tremblant & piaillant fort
l'aumône des certitudes peuple clos sans mère ni père
poupon multiple au ventre énorme – peuple rit & absurde
pour ne pas pleurer (murmurent les copistes)
même pas – pour rien – par laideur – par paresse –
par comme on peut possédé de l'époque 

mercredi 21 octobre 2015

211015


je n'y parviens pas
je ne parviens pas à tenir serrée contre moi
cette lourdeur : l'automne – la mort si proche – l'effacement des certitudes – le monde au centre du monde
il y a tellement d'erreurs & de bouches minuscules remplies de buées arrogantes
contre cœur & tuant l'épaisseur grave des Hommes
une impression légère m'occupe : le héron du matin
planté au bord du cours œil rond tête blanche & masque noir
parfaite ligne de patience qui se fait eau&berge 

mardi 20 octobre 2015

201015


la reine des prés fleurit encore
à cette époque c'est troublant
parmi les bogues & les tons pâles
des matins encombrés de brouillard
les millepertuis s'entêtent
en bouquets misérables à retarder
le commencement des nuits
mes mains ont froid & toute suspendue
à ce dont le nom m'échappe
j'attends la rencontre brutale
du cœur & de l'acier 

lundi 19 octobre 2015

191015


fuite sous les ciels vains des ciels parfaits
l'automne est gris comme tous les automnes
& l'habitude forge une sorte d'amour

l'air se brise . on ne respire plus .
on ne sent plus que l'on respire
à tes côtés – pareil

les premières gelées sont là
les prunelles nous attendent
on les abandonne aux mésanges & aux chardonnerets

on laisse aux autres les passions
s'y perdre – on ne veut plus –
malgré soi

des scories grincent dans la bouche
& nourrissent encore quelque espoir
dévoué

samedi 17 octobre 2015

171015


une façon de clore les printemps
serait que tu laisses ici sous tes jambes nues
courir le murmure des acacias quand le vent
attise toute jeunesse & que ton rire d'avant
s'évade pour de vrai du corps vacuolaire –
fleurirait alors d'abondance l'effondrement
de ce système de fracas & d'alliance – le fragile système –
bien sûr pour nous – chaque instant une longue absence –
bien sûr pour toi – chaque inspiration contre 
le crin des abysses – 

vendredi 16 octobre 2015

161015


on la tient à distance &
encore plus grande distance 
l'oiseau tournoie autour de ses airs
& de plus en plus près
& plus encore
de sa très jeune plume l'effleure
à distance sent que sa très jeune plume brûle
& tournoie autour du feu en lui
tournoie & tremble.
l'autre chante
plus fort encore que ses cendres
chante & l'oiseau est humain
parce que sa plume la très jeune
brûle & que sa plume est peau
parce que les mots qui font son chant
consentent quelque chose qu'aucun regard
même à grande distance n'ose tenir
qu'aucun ciel même brûlant de mille flammes
ne peut porter 

jeudi 15 octobre 2015

151015


en octobre le vieux huitième
je voulais parler de mort ou la mort
voulait parler d'elle-même de ses masques
& de ses recouvrements
& voilà que le corps se ramène par une
méphistophélique bascule
le corps absorbé de vie
hurlant d'horizons & de routes
touché par la grâce encombrante des ans
bref le corps qui parle toujours avec
sa suffisante langue d'ombre

mardi 13 octobre 2015

131015


c'est des mots tout ça
ou ce sont
il en faut du temps pour décoller
leurs peaux mortes & qui mortes encore
se refont en surface – tout est là –
c'est ou ce sont
des mots qui taillent leur route
abordent en continu terra incognita
& savants ou grossiers – sensibles visitant le sensible –
bouleversent la matière sauvage des imaginaires
directement sanglée sur l'absurde vertige du cœur 

lundi 12 octobre 2015

121015


quelque part face
à elle debout par volonté de bric & de broc
sans grandeur d'âme mais bégayant de fragiles raccommodages
qui firent autrefois - & c'est miracle – de vrais amours
face à elle on dit que la saison approche & que ça ira
mieux qu'il faut être patient
on élude les courbes de la parole qui plongent vers
le corps & ses souffrances vers la tête & ses trous
alors demain sera beau & on ira marcher aux
alentours des morts on s'étreindra doucement
le long de promenades inachevées



dimanche 11 octobre 2015

111015


pour en revenir aux architectes virtuoses
des entassements à ceux qui
sous les fleurs nous élaborent en habitats
terreux – en cités encore plus obscures
que celles du dessus – étagent si bien nos membres
que le petit peuple des gouffres accueille également en joie silencieuse
chaque migrant astral – pour en revenir aux &
dans une ultime requête on aimerait que
la dernière chambre soit douce tendue de draps aimants
que les mots qui feront avec nous le voyage
& qu'on clouera sur les murs croulants
soient aussi de tendresse
que nos copeaux de bouche entre deux dieux incertains
achèvent le baiser qui un jour de grand vent manqua cruellement sa cible 

samedi 10 octobre 2015

101015


la réduction de corps
elle m'a parlé d'une réduction de corps
dans le tombeau familial sous le fantôme du cyprès
on a réduit la petite fille les os de la petite fille réunis
avec on ne sait pas trop les os du grand père – comme il l'aimait –
ou les os du grand-oncle mort assassiné détroussé
pauvre pas d'enquête ou mort ivre & détroussé – qui le saura
donc elle me dit qu'il restera une place dans le tombeau familial
une place – ça n'a rien de poétique & ce n'est pas un poème – une place
pour l'autre quand elle mourra à côté du mari de la mère & du frère
ou bien par-dessus l'architecture des entassements est secret de fossoyeur –
une place & l'on n'aura pas à payer une concession neuve
dans le cimetière du bled balnéaire où tout est hors de prix
alors oui réduisons petits os & grands os mélangeons
toutes tailles de crânes réduisons morts & vifs
réduisons aussi en dedans les vieilles questions & les vieilles peines
qu'elles découvrent un peu de silence sous le fantôme du cyprès 

jeudi 8 octobre 2015

81015


l'homme du métro m'a dit un peu timide :
je vous ai observée vous avez une belle aura
technique d'approche ésotérique – même si moi vieille & lui jeune
il a ajouté quelque chose qui m'a troublée
profondément – une part s'est retirée très loin
comme quand au bord du malaise le sang déserte la surface
& puis s'est excusé oh vous avez eu peur & puis s'est enfui
c'est vrai qu'il m'a fait peur parce que j'ai peur des hommes
depuis toujours des femmes aussi mais des hommes
encore plus peur qu'ils me dévoilent & voient la bête
si peu aimable si peu pratique posée là terriblement
par hasard – ça se passait pas loin du Père-Lachaise
où tout est vrai

mercredi 7 octobre 2015

71015


les morts on les habille tout raides
on les vêt vont pas nus sous la terre
celui-là lèvres collées crâne emballé
pour qu'on ne voit pas l'horrible

trou dedans pas bon pour les debout
quand ça fermente & ça suinte
de reluquer les autres vies la
vie des autres alors on bande

on rhabille on boise on terre &
on maçonne si on peut on fleurit
on pleure l'ancien corps cohérent

quand le monde était nous
le beau temps où la main nue
cueillait à l'air les marguerites


mardi 6 octobre 2015

61015


c'est toujours une histoire de lumière
à travers les allées elle s'étrécit ou s'empâte
ricoche sur un marbre – à mes pieds
se creuse d'une corneille – dans mon œil
éclaire les corps épars – il y a des poitrines
blanches & des lèvres d'ivoire – cherchant éperdument
sa demeure à la fin l'obscurité se terre
sous une pédante épitaphe 

lundi 5 octobre 2015

51015


c'est l'automne & tout tombe –
marrons clartés pensées nuages
le temps déroule son zèle paradoxal :
ses parfums mélangés de mort & de chèvrefeuille – il fait chaud pour octobre – la nature déploie
ses armes d'arrière-garde & tout se joue d'odeurs.
elles frappent la première ligne des têtes courent jusqu'aux fluides épais des sens
un regain de printemps s'abîme à la lisière des corbeaux &
des hommes au fond se déploient sans cesse en vagues noires&blanches.
on aimerait les croire quand leur rumeur se porte jusqu'à nos pieds . elle dit  :
me voilà mais aussitôt – ressac – chevilles happées par d'invisibles vrilles
ils disparaissent blancs&noirs dans l'écume.
filles&femmes d'automne se demandent si
pour eux très loin les mêmes mouvements d'espoir & d'absence
composent l'horizon & si cet horizon est empli de leurs corps



dimanche 4 octobre 2015

41015


sous la paupière de lait l'éveil fut si douloureux .
il brailla une ombre dont le nom s'effondre
au-delà des racines . elle coulait
à la manière des eaux obscures : épaisse presque solide
jusqu'au point glacial
où chaque attente s'épuise – soupirs avalés.
des ruines coulèrent aussi fleurs & oiseaux
tout ce que l'imaginaire bourgeonne & découpe
dans les couronnes d'enfants