...
On est restés muets quand on
s'est aperçus de la chose. D'abord la douleur atroce. Là, on a crié
mais déjà ça n'avait plus le goût d'un cri d'homme. Quelque chose
de terre & de foin.
&
puis la douleur, c'est comme si elle se faisait au corps nouveau qui
poussait. Toujours présente mais se baladant dans des endroits
étranges du cerveau, & surtout, nue, sans sa traîne de
pensées. Brute, droite, franche comme jamais avant, ni depuis.
La
conscience s'est affadie, je dis affadie, parce que tu comprends,
depuis on est revenus hommes, mais peut-être que ce n'était pas ça,
peut-être qu'elle se diluait dans la matière, une conscience
entière, pas morcelée, tu vois, inséparable, mais on est revenus
hommes, on ne sait plus très bien.
Affadie,
de loin, ça me paraît juste.
On
est restés muets. On avait même pas l'idée de parler. Dans la tête
ça allait très vite, des milliers de sensations, des milliers
d'événements & on sentait bien que ça fusait dans des
milliards de globes mais, pas un mot, la patte avançait, la peau
frissonnait, l'oreille se dressait, faisait sa conque réceptrice,
faisait le boulot, parfaitement. Le groin grognait. & tu vois,
c'est pas qu'on ne pouvait plus, ou qu'on n'en avait plus envie,
c'est qu'on n'en avait même pas l'idée, de parler. On entendait de
loin des discours, ceux qui se battaient encore, ceux qui
triomphaient bruyamment, en gros ça paraissait être les mêmes formes, mais
on ne peut pas dire, puisqu'on était pas encore revenus hommes, tout
arrivait sur nous en masse indistincte, & on ne pouvait pas...
mais je me répète, pardonne-moi.
...
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